35 ans de Dédé

article de l'Equipe à propos lors des 35 ans d'André Agassi.

Citation :

Journal l’Equipe, 29 avril 2005

Edito

Le bénéfice de l’âge
Au début, c’est-à-dire vers la fin des années 80, André Agassi dérangeait quelque peu les manières guindées et les puristes auxquels on ne reprochera cependant pas d’avoir aimé le blanc. La toile de « jean » de ses shorts n’avait pas encore été adoptée par les griffes du prêt-à-porter chic, donc par le public de Roland-Garros. Ses manières d’ado américain sans bonnes manières irritaient la dent des critiques, comme le citron dont on décernait déjà le prix au joueur le moins sympathique du tournoi.
Près de vingt ans ont passé depuis et, comme dirait Line Renaud, Andre Agassi joue toujours. Et non seulement il ne semble pas près de croiser la raquette dans les épreuves de vétérans auxquelles son âge lui donne désormais accès, mais il occupe un rang mondial – le huitième – pour lequel le premier français de la liste – Sébastien Grosjean n° 28 – signerait comme un revers d’Andre : des deux mains.
Ce n’est pourtant pas de cette belle longévité au plus haut niveau que l’on souhaite vous entretenir en priorité. Ne serait-ce qu’en raison des quelques brillants exemples qui l’ont précédé ou l’accompagnent, en tennis et ailleurs. Et malgré la gageure que représente cette longévité dans le tennis actuel où l’accumulation des voyages et des matches, comme l’élévation du niveau général du jeu, vous usent un jeune athlète aussi vite qu’une paire de tennis sur un court en ciment. Non, plus encore que la durée, plus encore que les titres accumulés, ou les retours d’éclipses, ce qui est sans doute le plus épatant avec Andre Agassi, c’est la transformation radicale qui s’est opéré chez lui au fil de sa carrière.
Transformation n’est d’ailleurs probablement pas le mot qui convient. Evolution serait plus juste : le jeune homme agaçant que son talent naturel avait fait grandir trop vite, est devenu lentement mais sereinement, cet Agassi à la maturité aujourd’hui exemplaire.
Et, pour forcer encore plus l’admiration, le constat vaut aussi bien pour son jeu presque intact de champion que pour sa vie d’homme. Là où tant de sportifs exceptionnels fascinent d’abord – et seulement ? – par leurs facultés hors du commun dans l’exercice de leur art, Andre Agassi incarne hors du court cet épanouissement auquel chacun aspire. Dans ce rôle de numéro 1, on peut aussi l’envier sans réserve.

il y a aussi un article de Philippe Bouin qui retrace la carrière et les changements d'André:

Citation :

Inoxydable Andre

Agassi fête aujourd’hui son trente-cinquième anniversaire. Huitième mondial, il défie le temps.

Sur les traces de Connors et de Ken Rosewall, Andre Agassi a attaqué sa vingtième saison sur le circuit pro. Son palmarès et son évolution, du gamin impertinent au sage pertinent, forcent le respect.

Avec son crâne lisse et le sourire candide dont il accompagne ses courbettes au public, Andre Agassi prend souvent des airs d’éternel bébé. Pourtant, dès aujourd’hui, l’américain serait en droit de disputer les tournois vétérans. En ce 29 avril 2005, Andre Agassi célèbre en effet ses trente-cinq ans, l’âge minimum pour évoluer « chez les vieux », un âge qui parait excessif pour figurer au plus haut niveau. Hors il occupe toujours le huitième rang de la hiérarchie mondiale et, s’il n’en n’est plus le favori numéro un, il figure encore parmi les possibles vainqueurs des tournois Masters Series comme celui de Cincinnati qu’il a gagné l’an dernier, voire de ceux du Grand Chelem dont il a remporté sa dernière levée, la huitième, en janvier 2003 en Australie, à trente-deux ans. Peu de témoins de l’arrivée sur le circuit pro, à la fin des années quatre-vingts, de ce « Kid de Las Vegas » à la tignasse teinte, au short en jean et à l’irrespect à fleur de peau, peuvent se vanter d’avoir prédit pareille longévité. Avec son attitude fleurant le « prends l’argent et tire-toi », son enfance de casino et son goût pour l’apparence plus que pour l’être, il avait alors tout du produit jetable. De l’effet de mode. De l’emballage cadeau pour ce tennis qui changeait d’époque.
Or, près de vingt ans après son premier match sur le circuit, Andre Agassi est toujours là alors qu’aucun autre des cinq cents premiers joueurs du classement de l’année 1986 ne joue encore. Mieux, le gamin irrespectueux incarne aujourd’hui la sagesse et le respect des valeurs traditionnelles. Preuve vivante que les champions chauves vieillissants n’évoluent pas tous de la même manière, Andre Agassi, coupable d’un crachat sur les pieds d’un arbitre australien à l’US Open 1990 après l’avoir traité de « fils de p… », est, quinze ans plus tard, considéré comme l’un des exemples d’un sport qui a craint longtemps d’en manquer.
Pour rare qu’elle soit, pareille longévité n’est pas unique. Le tennis masculin a connu nombre de héros mûrissants. Dans l’ère open, qui commença en 1968, deux joueurs surpassent encore Agassi. La carrière de Jimmy Connors s’est étalée sur près de vingt-deux ans avec, comme chant du cygne, une qualification en demi-finale de l’US Open 91 pour célébrer son trente-neuvième anniversaire. L’australien Ken Rosewall avait auparavant réussi l’exploit d’étaler ses huit titres du Grand Chelem entre 1953 et 1972, entre les âges de dix-huit et trente-sept ans, avant d’atteindre les demi-fnales à Wimbledon et à l’US Open en 1974, à trente-neuf ans. Rod Laver lui-même, s’il boucla son second Grand-Chelem à trente et un ans, contribua à une victoire australienne en Coupe Davis à trente-cinq ans.

La carrière d’Andre Agassi n’a pour l’heure durée « que » vingt ans, entre son premier match sur le circuit pro, le 24 février 1986 en Californie gagné contre John Austin, le frère de Tracy, et, le 1100è de sa carrière, perdu contre Sébastien grosjean, à Houston la semaine dernière.
Mais il n’a pas encore joué son dernier coup et sans doute pas encore gagné son dernier tournoi ; En outre, à l’heure des comparaisons, il a en sa faveur d’avoir fait face à une opposition moyenne autrement plus relevée. On ne veut pas parler de son grand rival Pete Sampras, ni des Becker, Edberg ou autres Federer. Ken Rosewall avec les seuls Hew Load et Rod Laver, ou Jimmy Connors avec ses amis McEnroe et Lendl eurent de quoi s’occuper. Non. Son avantage repose sur la difficulté des matches « ordinaires » qu’il est contraint de livrer.
Il serait en effet incongru de tracer un parallèle entre le niveau des premiers adversaires d’un Connors dans un tournoi des années 70 et celui des joueurs qu’Agassi affronte d’entrée aujourd’hui. Le bagage technique et surtout athlétique, d’un centième mondial de nos jours vaut bien celui d’un vingtième des années Connors. Entre l’époque actuelle et celle de Rosewall, le parallèle plongerait alors franchement à la verticale. Comme Connors, comme Rosewall, Agassi a rivalisé avec plusieurs générations de champions, mais il a surtout su résister à l’érosion d’un circuit de plus en plus abrasif. Comme Connors, il a aussi marqué un changement d’époque. A l’aube des années soixante-dix, l’émergence de Jimmy Connors avait signifié la fin des gentlemen-joueurs et l’avènement des voyous médiatiques. Equipé d’une raquette métallique, ce « Jimbo » rugissant avait aussi incarné la consécration du tennis à tout-va. De la frappe dominant la science.

Andre Agassi, lui, personnifie le tournant définitif du jeu : celui des nouveaux matériaux et des nouveaux athlètes. Il fit partie, avec ses camarades Chang, Sampras et Courier, de la première promotion de gamins nés au tennis avec les raquettes en matériaux composites, plus grande et plus rigides. Agassi en tête, ces bambins frappaient depuis leur plus tendre enfance des coups dont les champions précédents, formés avec des raquettes en bois, n’osaient même pas rêver.
Mais il ne s’en est pas tenu là. Au lieu de se contenter de son talent et de son image dont les publicitaires voulaient faire l’essentiel (« Image is everything » disaient les slogans de ses premières années), au lieu de se satisfaire de frapper des coups gagnants, il se dota d’un cerveau. Sur le court et en dehors. Prenant assez de recul pour comprendre le sens de son destin, il se décida à le prendre en main. Rassuré par son mariage avec l’une des plus grandes championnes de l’histoire du tennis, Steffi Graf, et désormais père de famille, Andre Agassi est devenu l’exemple du champion. Bien plus conscient de son exemplarité que la plupart de ses confrères, il a fondé dans sa ville de Las Vegas, une école pour enfants défavorisés. C’est aussi pour ces gosses qu’il prolonge sa carrière aussi longtemps qu’il le peut.

Jusqu’à quand ? Lui-même ne se risque pas à fixer une date. Sa compétitivité et son envie de se remettre en jeu constituent à ses yeux les indicateurs essentiels. Le jour de sa retraite s’approche aussi sûrement que le temps passe mais, pour l’heure, il peut encore savourer le plaisir de faire peur à ses cadets, avant d’aller, un jour peut-être, chatouiller les moustaches de ses aînés sur le circuit des vieux.
Happy birthday, Mister Andre !

Philippe Bouin

suite très importante....quelques comparaisons...

Citation :

Que faisaient-ils à trente-cinq ans ?
Tous les anciens numéros 1 du jeu n’étaient plus en activité à l’âge d’Agassi. Surtout pas à son niveau.

• Ken Rosewall (35 ans le 2 novembre1969) : Cette année là, l’inusable Ken Rosewall était encore au top de sa forme puisqu’il était considéré comme le numéro 2 mondial derrière Rod Laver. Rosewall allait encore remporter 3 titres du Grand Chelem (dont l’Open d’Australie à 38 ans en 72). Il disputa son dernier match en 1980 à 46 ans.

• Rod Laver (35 ans le 9 août 1973) : Le champion aux deux Grands Chelems fêta ses 35 ans en terminant à la 8ème place mondiale au classement de fin d’année de l’ATP. Cette année-là il bne remporta que 2 matches en Grand Chelem mais gagna 3 tournois sur le circuit WCT. Surtout, il participa activement, avec deux victoires en simple, à la nette victoire de l’Australie sur les Etats-Unis en finale de la coupe davis. Il joua son dernier match sur le circuit en 1979, à 41 ans, à Las Vegas.

• Ilie nastase (35 ans le 19 juillet 1981) : l’année de ses 35 ans, il eut quelques éclairs comme une finale à l’Open de Lorraine (battu par Slozil). Il termina la saison au 73ème rang mondial. Nastase disputa son dernier tournoi ATP à Toulouse, en octobre 1985 à 39 ans.

• John Newcombe (35 ans le 23 mai 1979) : cette année là, sa saison s’était limitée à trois tournois (quart de finale à Sydney), mais il avait déjà beaucoup d’occupations dans le business du tennis. Dernier tournoi en avril 1981 à Las Vegas (37 ans).

• Jimmy Connors (35 ans le 2 septembre 1987) : sur les 109 tournois qu’il a remportés dans sa carrière, Connors en avait gagné 105 au moment de fêter ses 35 ans. Demi-finaliste à Wimbledon et à l’US Open et quart de finaliste à Roland-Garros, il avait terminé la saison à la 4ème place mondiale. Il joua son dernier match à Atlanta en 1996, dans sa 45ème année !

• Björn Borg (35 ans le 6 juin 1991) : retraité à la fin de la saison 1981, le suédois fit tout de même quelques apparitions en 1982, 83 et 84. En 1991 (l’année de ses 35 ans), il ne disputa qu’un match à Monte-Carlo avant de tenter un vrai et pitoyable come-back en 1992 qui se solda par huit défaites au premier tout en huit tournois.

• John McEnroe (35 ans le 16 février 1994) : lorsqu’il fêta ses 35 ans, « Big Mac » avait déjà tiré sa révérence depuis plus d’un an, à la fin de l’année 1992. Pourtant il lui vint l’idée de fêter son 35ème anniversaire en allant jouer à Roterdam, où il se fit sortir au premier tour par le suédois Magnus Gustafsson (alors 10ème mondial). Il était alors très occupé par se galerie d’art moderne.

• Ivan Lendl (35 ans le 7 mars 1995) : « Iron Man » n’était pas si inusable que ça, puisuqe des problèmes de dos le poussèrent à la retraite avant ce fameux cap des 35 ans, à l’issue de l’US Open 1994.

• Mats Wilander (35 ans le 22 août 1999) : consacré très jeune – à 17 ans à Roland-Garros – Wilander mit fin à sa carrière à l’issue de la saison 1996 après avoir pris une année sabbatique en 1992. En 1999, le suédois avait fondé un groupe de rock et passait le plus clair de son temps à faire de la musique qu’à jouer au tennis.

• Stefan Edberg (35 ans le 19 janvier 2001) : sa carrière se termina fin 1996 sur un match de coupe Davis perdu face à Cédric Pioline pour cause de cheville foulée (lors de la fameuse finale Suède-France). A 35 ans, Edberg continuait cependant à jouer trois fois par semaine au tennis et Tim Henman racontait d’ailleurs qu’il ne gagnait pas toujours contre lui à l’entraînement.

• Boris Becker (35 ans le 22 novembre 2002) : « Boum Boum » venait d’avoir 29 ans quand s’acheva l’année 1996, pour ce qui devait être sa dernière saison complète. On le revit ensuite épisodiquement avec un point final à Wimbledon 1999. Fin 202, Becker avait d’autres soucis en tête que le tennis, entre ses démêlés avec le fisc allemand et une vie sentimentale agitée.

• Jim Courier (35 ans le 17 août 2005) : trois mois et demi plus jeune qu’Andre Agassi, Jim Courier a pris sa retraite à 29 ans, son dernier match remontant à avril 2000. Actuellement, il partage son temps entre les commentaires à la télévision américaine et australienne sur les grands tournois, quelques épreuves du circuit senior et surtout, une présence assidue sur les parcours de golf.

• Pete Sampras (35 ans le 12 août 2006) : Il venait tout juste d’avoir 31 ans quand, en septembre 2002, il remporta à Flushing Meadows son 14ème titre du Grand Chelem. Il planifia un retour l’année suivante pour Wimbledon mais, démobilisé, renonça, mettant un terme définitif à sa carrière.

bon faut s'avaler tout ça mais c'est très intéressant...

merci Champi pour ces infos tres interessante

Merci Champi, c'est un régal de lire ou de relire ces articles

Oui, merci champi!

:hello: