Article de sportvox tordant

Quand Roger et Rafa se font des confidences.
La scène suivante nous est rapportée par un fan qui a préféré garder l’anonymat. En transit à l’aéroport de Dubaï il a surpris une conversation entre les deux stars du circuit.

La scène se passe à Dubaï entre deux avions, une de ces trop nombreuses connexions qui vous rallongent ces voyages déjà interminables. Libéré de Mirka pour quelques instants - une énième virée au duty free shop pour chercher ces satanés chocolats au cacao de Madagascardont elle ne se prive pas - Roger Federer réfléchit à son avenir tennistique, avachi dans le canapé en cuir du VIP lounge. Assis au bar et sirotant un fruit mix, Rafael Nadal le voit sans le regarder. Un éclair. "Roger is that you?" Dans cette atmosphère ouatée au silence assourdissant, le petit espagnol n’a jamais été aussi content de voir son meilleur ennemi.A en témoigner par le sourire qui fend le visage de ce dernier, le sentiment est apparemment réciproque.

-Je te croyais parti depuis lundi, j’ai pas vu ton match contre Murray mais c’était serré non?

-Ca va arrête tes conneries il m’a encore fait le coup du pousseur de balles. Du pousseur à deux balles devrais-je dire... Du pousseur de Bâle? Je ne sais même plus. Risque zéro, Monsieur est dos aux bâches et attend la faute.

-Putain dégoûté quoi!!

-Si je te dis qu’il se tenait plus loin que Gasquet tu me dis quoi?

-Jure!!

-Authentique, je ne voyais même pas le logo de son polo tellement il était loin; j’ai compté il a fait cinquante trois pas pour venir me serrer la main au filet.

-Tout fout le camp...

-A qui le dis-tu? Je sais plus, tout ça commence à me faire un peu chier. A toi je peux le dire: le tennis m’emmerde royalement en ce moment! Je ne sais pas trop ce qui m’arrive mais je ne prends plus vraiment mon pied.

-Pied? Ne m’en parle pas, le mien me fait plus que souffrir. Je passe sur les blagues à deux euros genre colosse aux pieds d’argile. Rends-toi compte, cette inflammation de la voute plantaire m’empêche de faire un simple footing. Je dois compenser, je fais beaucoup d’aquagym et de travail en salle. Pour les courses, je les limites aux entrainements tennistiques uniquement. Tonton Toni dit que c’est préférable.

-Ah? Moi les entrainements je ne sais pas trop. J’ai viré le coach l’an dernier mais je commence à me demander si je ne vais pas m’en reprendre un.Je pensais que le préparateur physique suffirait et de ce point de vue je suis en super forme, mais je ne sais pas, tennistiquement je sens moins bien la balle, je frappe moins bien, mes coups m’échappent un peu. Je ne retrouve pas le rythme en fait. A l’entrainement ça va mais en match je n’ai pas les bonnes sensations.

-Sensations? J’ai oublié ce que ce mot signifie, je n’ai pas remis les pieds sur terre depuis juillet!! Houston we have a problem!!

-Parlons de terre, tu étais allé foutre quoi à Stuttgart franchement? Tu ne pouvais pas te reposer après Wimbledon?

-Foutre quoi? Voyons laisse-moi réfléchir...Heuuuu au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, avec ton printemps pourrave l’an dernier j’avais une bonne chance de te faire la nique à la fin de l’année.

-????????????????????

-Ben oui, tu pensais quand-même pas que j’allais rester numéro deux pendant cent ans?

-Le raaaaaaaaat! En interview tu disais...

-Tsssss de la sauce pour les journaleux, penses-tu. N’empêche j’ai quand-même pas été loin, si y’avait pas eu ce Tsonga en Australie.

-Ou la la qu’est-ce qu’il ta mis!! J’ai regardé un best of sur youtube, c’était un tabassage en bonne et due forme. D’ailleurs tu as été pas mal rossé en cette fin d’année 2007. Et en ce début d’année aussi. On m’a remplacé mon taureau de Manacor par une vachette d’Interville.

-Sinon Monsieur Propre s’est quand-même pris trois sets secs contre le Nole chez les Kangourous, on a beau dire.

-Ne me parle pas de ce petit con.

-Comment tu ne l’as pas vu arriver lui?

-Ben écoute on n’avait pas vraiment besoin de lui. On te comparait à Borg sur terre, tu avais ta petite principauté dans mon royaume et moi j’étais Sampras ou Laver partout ailleurs. Le bon vieux temps...

-Tu l’as dit putain. Barman, verse-moi un peu de Chivas dans ton jus d’asperges-là. Même Hulot il n’en boirait pas. C’est jour de deuil aujourd’hui. Et la même chose pour mon pote.

-Arrête tes conneries, Mirka n’est pas loin.

-On s’en tape de Mirka, on devrait la maquer avec Tonton Toni!

-MDRRRRRRRR

-Sinon tu vas où là?

-T’es pas au courant je joue contre Sampras à New York.

-Ah j’ai entendu parler de ça. Si c’est bien payé pourquoi pas? Mais je me demande si tu ne t’éparpilles pas un peu avec cette Sampras addiction qu’on te colle. Avec cette soif de records qu’on t’a insufflée tu perds un peu le nord non?

-Ouais peut-être. J’en sais rien... En fait si, tout ça finit par me dépasser. Aucun tennisman avant moi n’a eu à jouer en même temps contre ses pairs ET l’histoire. Je crois que le vide sidéral qui m’a entouré pendant quatre ans a fait qu’on n’a pas eu d’autre choix que de se focaliser sur moi et me comparer à des retraités glorieux. Quand à une époque tu as Connors, Lendl, Borg et Mac, ou à une autre tu as Sampras, Agassi, Edberg et Becker qui jouent tous en même temps...

-Vide sidéral? Merci Monsieur, traite-moi de quiche je ne te dirai rien.

-Mais non je ne dis pas ça pour toi. Heureusement que tu étais là d’ailleurs, autrement qu’est-ce que je me serais emmerdé!!

-Tu l’as dit bouffi, à la tienne. Ceci dit, on a l’air vachement moins seuls du coup. Le Serbe et l’Ecossais ont l’air en forme.

-Bof.

-J’en reviens pas, tu viens de te prendre trois sets par l’un et un premier tour et seconde défaite de suite face à l’autre et tu ne les prends toujours pas au sérieux? Tu charries là. C’est quand-même pas des manchots.

-C’est sûr que c’est pas Tsonga ou Youzhny!

-Mouais. Et Volandri c’est qui, le prochain Borg?

-Espagne 1 - Suisse 0. MDR. Il est où ce barman? Aubergiste, y’a marée basse! Et toi tu vas où?

-Je rentre passer quelques jours en Espagne.

-J’ai pas vu ton match contre Roddick, j’ai été surpris qu’il te tape.

-C’est sûr que c’est pas à toi que ça pourrait arriver!!

-Roddick? Sur le senior peut-être? MDR. On est méchants là.

-Alors Roge, service volée comme à la belle époque?

-J’en sais rien. J’ai quelques pistes à étudier, les filières plus courtes, jouer vers l’avant. Un peu comme Sampras vers la fin. C’est évident que du fond du court quand tu combines les progrès des autres avec mon propre manque de peps ça sent le butane. C’est à ça que je réfléchissais d’ailleurs. Eviter les longs échanges qui finissent par me dérégler, surtout en revers. Je ne vais peut-être pas jouer les Edberg ou les Rafter mais il faut que je cherche à abréger. Tant que je sentais bien la balle j’arrivais à dicter le jeu en coup droit, et j’avoue que c’était jouissif de battre les spécialistes de la baseline à leur propre jeu. Je me suis confessé, à toi!

-Filières courtes. Quand j’entends ça j’ai des envies de meurtre. On me répète jusqu’à plus soif que je dois m’orienter vers un jeu plus économe, mettre moins de lift, frapper à plat et faire la marche en avant. Mais qu’est-ce qu’ils se figurent? Les plans de frappe que j’ai, le lift, la lourdeur de la balle plus que la vitesse, j’ai appris à jouer comme ça et c’est ce que ma coordination et ma biomécanique me permettent de faire. Je ne serai jamais Julien Bouter, Stan Wawrinka, Petr Korda ou Xavier Malisse. Ces joueurs qui traversent la balle et finissent le point en deux coups de raquette. En même temps quand on compare nos palmarès je me dis que j’ai peut-être pas tout perdu dans mon malheur non?

-C’est clair que Stan si il avait le mental de Hewitt la Suisse serait vainqueur multiple en Coupe Davis. D’où l’importance de ces JO pour moi. Gagner quelque chose pour la nation, monter sur le podium et entendre l’hymne, j’en ai des frissons. Si je ne devais gagner qu’un tournoi cette année ce serait celui-là.

-Ah? Pas Roland Garros?

-Joker!

-Moi je t’avoue qu’au rythme où vont les choses ce quatrième titre de suite me paraît bien loin. Je ne crains ni Nole ni Murray à Paris, ce n’est pas leur surface de prédilection. Mais Nalbandian sait qu’il a un coup à jouer entre Roland et Wimbledon. Et vu que les deux prétendus maîtres des lieux n’ont pas pesé bien lourd face à lui cet automne...

-Parle pour toi! Les deux matches que j’ai perdus étaient serrés. Toi tu t’es pas pris un râteau, c’est tout le Bricorama qui t’es tombé sur la gueule!

-Ah voilà ta bru qui arrive, elle te cherche du regard. Question chocolats elle n’y va pas de main morte, allez savoir pourquoi elle a choisi la Suisse!

-MiLka Vavrineck!! MDR. Allez Raf repose-toi bien et on se voit à Indian Wells.

-So long Roge.

Même au sommet du tennis mondial, riches à millions et adulés des foules, ils ont su rester deux jeunes gars simples et finalement pas si différents de nous tous. Des victoires, des défaites, des succès, des échecs, des remises en questions et des doutes entrecoupés de certitudes et d’espoirs. A bientôt Messieurs et tous à Indian Wells.