John McEnroe, et moi, et moi, et moi

Je reproduis ici un article que j'ai publié par ailleurs:



Je voudrais évoquer mon idole d’enfance, John McEnroe, mais sans revêtir les habits factices de l’objectivité pour défendre sa place dans l’histoire. Alors quel plus bel hommage que de retransmettre mon vécu de fan d’une dizaine d’années à l’époque?

Lorsque j’ai vu Mac pour la 1ère fois à la télé, ce 4 juillet 1982, du haut de mes 8 ans, je suis tombé littéralement sous le charme. Pourtant il perdait, là, devant moi, son titre à Wimbledon contre un Jimmy Connors déchaîné au 5ème set de la finale, ce titre si durement arraché, je ne le saurai que plus tard, des mains de Borg l’année précédente. Je n’ai donc pas vécu l’âge d’or de John au plan émotionnel, à savoir ses affrontements homériques avec le géant suédois.

Mais ce jour là, son déplacement félin; son service dont la seule raison d’être semblait de jouer la 1ère volée le nez au filet; la précision de ses coups qui me semblait magique avec ces préparations si courtes qu’elles semblaient inexistantes; cet art de déposer la volée courte croisée, amortie ou longue absolument à volonté et avec un instinct tactique parfait, tout ça m'a produit un effet tel que je ne m’en suis jamais remis. C'était comme tomber amoureux.

Puis, cet été 82, John réussit une performance dantesque en battant à l’usure, dans le plus long match de l’histoire de la Coupe Davis (6h34), l’inusable Mats Wilander, pour m’offrir le plaisir de le voir remporter sa compétition préférée pour la 4ème fois, en finale, quelques mois plus tard à Grenoble, en dominant Yannick Noah en 5 sets, non sans avoir été très fortement ballotté pendant les 3 premiers.

Je passe sur l’année 83 marquée par un 2ème titre à Wimbledon gagné sans concurrence, pour en arriver à cette fameuse année 84, année clé, celle de la perfection géniale, la plus grande saison (82v.-3d.) réalisée par un joueur de tennis depuis Rod Laver en 1969, mais année aussi où les dieux du tennis l’ont cruellement puni pour avoir tutoyé l’Olympe de trop près. «Tu n’échapperas pas aux lois des mortels», lui dirent-ils, «pour t'être approché trop près du soleil, tu subiras le sort d'Icare: tu auras les ailes brûlées et seras condamné à ramper sans forces, accablé, sur le central de Roland Garros, jusqu’à la défaite ...»

Et en effet Mac fut lourdement puni pour avoir lancé le défi impensable de gagner Roland Garros sans préparation physique, sorte de panache inouï quoique probablement inconscient, pour s’être montré incroyablement présomptueux, disons-le, lui qui se présentait Porte d’Auteuil avec 36 victoires consécutives depuis le début de l’année en ayant écrasé tout le monde sur toutes les surfaces (mais jamais en 3 sets gagnants sur terre).

Il fut également durement chatié pour avoir prétendu faire pousser du gazon l'espace d'un match sur le central de Roland en jouant son tennis tout en inspiration mais plus génialement que jamais lors des 2 premiers sets de la finale (et par moments ensuite), provoquant une stupeur muette parmi les spectateurs; on lui pardonna encore moins dans l'Olympe d'avoir osé faire retour-volée sur les 1ères balles de Lendl avec une réussite littéralement indécente. Les Dieux sont tolérants, mais n'aiment pas qu'on les ridiculise, surtout avec insolence.

John McEnroe fut donc condamné par un tribunal des Dieux convoqué en session extraordinaire à la pire des déchéances physiques sous un soleil de plomb: tel Sisyphe poussant son rocher pour l’éternité il s’approcha ensuite de la victoire dans chacun des 3 derniers sets pour voir la victoire lui filer entre les doigts comme du sable : Lendl, désormais supporté de l'au-delà -et par le public!- le repoussa à chaque fois d’un souffle, au 3ème, au 4ème set surtout. Certes John fut absolument héroïque, il défendit jusqu'à l'extrême limite de ses forces l'honneur des humains face aux Dieux dans ce 5ème set inouï où son refus de céder face à l'inéluctable lui faisait office de forces, il eut encore pu rafler la mise au 7ème jeu de cet ultime set, mais nul ne peut insulter les dieux impunément, et ce jour de grandeur annoncée fut en fait le jour de sa déchéance, immédiate et à jamais.

Il continua pourtant à tout écrabouiller en cette année 84 -dont Connors en finale de Wimbledon et Lendl en finale de l’US Open, proprement humiliés. D'ailleurs, ceci signifie au passage qu’on tient là le dernier joueur à avoir réellement frôlé le Grand Chelem. Mais lorsqu’en 85, à Roland Garros, une sévère défaite face à Mats Wilander lui fit comprendre que sa chance était passée, que la tâche était insurmontable, je crois qu’un ressort se brisa dans sa tête. Certes il continua à défendre sa place de n°1, à battre Lendl cet été là, et d’ailleurs il eut peut-être pu conserver son titre à l’US Open malgré les progrès du tchèque si la programmation délirante à Flushing (1/2 et finale en 24h), et une 1/2 sous la canicule contre ce Wilander qui le faisait toujours souffrir, ne l’avaient contraint à se présenter en finale extrêmement entamé par une partie très rude de 4h.

Dès lors, il ne sera jamais plus le même, moins de vitesse, moins de fluidité, moins de confiance aussi et l’irruption en cette année 85 du jeu tout en puissance ne pouvaient que le condamner à régresser dans la hiérarchie, lui qu’on pourrait considérer comme le dernier géant de l’époque des raquettes en bois, toute sa technique étant élaborée autour des capacités de ces dernières, limitées en termes de puissance.

A la base de son jeu, il y a donc:

1/ la surprise dans la direction donnée à la balle;

2/le débordement de l’adversaire non par la puissance mais grâce à une prise de balle ultra-précoce, en lui retirant du temps pour se replacer (toute la technique simplifiée et un coup d'oeil extraordinaires y contribuant);

3/ en conséquence, la recherche extrême des angles, ce que permet la position dans le terrain pour jouer la balle tôt;

4/enfin la menace permanente de l’imprévisible qui pèse sur les épaules de l'adversaire -la marque du génie.

Et je dois dire qu’au delà du personnage, c’est ça qui me manque aujourd’hui, car il n’a pas eu d’héritier, si ce n’est André Agassi pour la précocité de la prise de balle. Mais pour en faire tout autre chose...

C'est pas facile de jouer comme McEnroe. Son tennis était incopiable. A mon avis, les mecs qui ont essayé n'ont jamais pu se classer 30/5. :biggrin:
Sinon une petite info concernant 1984: demain à 11 heures, ils diffusent un résumé de 2 h sur la demi-finale de l'US Open Lendl-Cash de cette année. Je recommande de regarder ça vaut le coup.

vdd a écrit:

C'est pas facile de jouer comme McEnroe. Son tennis était incopiable. A mon avis, les mecs qui ont essayé n'ont jamais pu se classer 30/5. :biggrin:
Sinon une petite info concernant 1984: demain à 11 heures, ils diffusent un résumé de 2 h sur la demi-finale de l'US Open Lendl-Cash de cette année. Je recommande de regarder ça vaut le coup.

sur espn sport classic?Mais comment l'avoir?

vdd a écrit:

C'est pas facile de jouer comme McEnroe. Son tennis était incopiable. A mon avis, les mecs qui ont essayé n'ont jamais pu se classer 30/5. :biggrin:
Sinon une petite info concernant 1984: demain à 11 heures, ils diffusent un résumé de 2 h sur la demi-finale de l'US Open Lendl-Cash de cette année. Je recommande de regarder ça vaut le coup.

Figure-toi que je l'ai en DVD cette fantastique 1/2 de 1984 (pourvoyeur attitré armand Ponnaz!). Un match extraordinaire d'intensité, véritable duel au couteau en 5 manches, Cash y était passé tout près de la finale grâce à son tennis d'attaque à haut risque, hélas pour lui il avait flanché sur la fin contrairement à Lendl... :|

Stefan.Federer a écrit:

vdd a écrit:

C'est pas facile de jouer comme McEnroe. Son tennis était incopiable. A mon avis, les mecs qui ont essayé n'ont jamais pu se classer 30/5. :biggrin:
Sinon une petite info concernant 1984: demain à 11 heures, ils diffusent un résumé de 2 h sur la demi-finale de l'US Open Lendl-Cash de cette année. Je recommande de regarder ça vaut le coup.

Figure-toi que je l'ai en DVD cette fantastique 1/2 de 1984 (pourvoyeur attitré armand Ponnaz!). Un match extraordinaire d'intensité, véritable duel au couteau en 5 manches, Cash y était passé tout près de la finale grâce à son tennis d'attaque à haut risque, hélas pour lui il avait flanché sur la fin contrairement à Lendl... :|

Vous etes sur que le match s'est terminé en 5 sets?

http://www.atptennis.com/5/en/vault/draws.asp?TournamentID=560&TournamentYear=1984

arabem a écrit:

Vous etes sur que le match s'est terminé en 5 sets?

http://www.atptennis.com/5/en/vault/draws.asp?TournamentID=560&TournamentYear=1984

J'en suis absolument sûr pour la simple et bonne raison que je l'ai visionné en intégralité il y a de cela quelques semaines seulement!

Stefan.Federer a écrit:

arabem a écrit:

Vous etes sur que le match s'est terminé en 5 sets?

http://www.atptennis.com/5/en/vault/draws.asp?TournamentID=560&TournamentYear=1984

J'en suis absolument sûr pour la simple et bonne raison que je l'ai visionné en intégralité il y a de cela quelques semaines seulement!

ok... c'est donc le site de l'atp qui donne la fausse information...

Oui c'est du 5 sets sûr et certain.

vdd a écrit:

C'est pas facile de jouer comme McEnroe. Son tennis était incopiable. A mon avis, les mecs qui ont essayé n'ont jamais pu se classer 30/5. :biggrin:
Sinon une petite info concernant 1984: demain à 11 heures, ils diffusent un résumé de 2 h sur la demi-finale de l'US Open Lendl-Cash de cette année. Je recommande de regarder ça vaut le coup.

Tu as vu juste, on m'a dit plusieurs fois que je développais un toucher qui rappelait Mac, je ne sais pas si c'est une pseudo-réalité ou si c'était du foutage de gueule organisé mais je n'ai jamais gagné un match en tournoi ni bien sûr été classé.

Beau texte Colin,

Tu as fais un gros travail sur toi grâce à l'écriture. Ce Mac Enroe qui est bien sûr ton géniteur puisqu'il te donne le jour dans la souffrance en ce 4 juillet mais qui est aussi ce père que tu n'abandonneras pas et que tu accompagneras dignement au tombeau en juin 84.
Depuis tu traques ses descendants marqués du signe de Mac, hélas le gazon est devenu désert, la terre battue est marécage, les joueurs-techniciens actuels ont oublié les dix commandements de John

-A chaque service tu volleyeras
-A chaque retour tu Volleyeras
-Sur terre, tu volleyeras
-Sur gazon, ,tu volleyeras
-Sur dur tu volleyeras
-Tu ne vollyeras pas comme ton prochain
-Tu gagneras ton pain quotidien à la sueur de tes montées
-Ta pêche miraculeuse, tu la connaîtras au filet
-Tu t'interdiras tout échange
-Ta retraite, tu ne l'auras pas volée

Mais tu veilles, lié par cette promesse.

Sinon, je dirais que Mac Enroe c'est aussi un déplacement hors du commun avec notamment de minuscules pas chassés qui le placent admirablement.

Botany tu m'éclates. On aura tout eu dans tes avatars. D'un Stich minuscule à un Ramesh Krishnan des grands jours en passant par un Champion en tenue de coach. Enorme.

vdd a écrit:

Botany tu m'éclates. On aura tout eu dans tes avatars. D'un Stich minuscule à un Ramesh Krishnan des grands jours en passant par un Champion en tenue de coach. Enorme.

Stich et Krishnan c'est par respect pour le beau jeu, Champion c'est plus par charité
Le tien me fait froid dans le dos, j'ai l'impression que Courier va blesser quelqu'un en renvoyant la balle Quelle prise de revers quand même. :pt1cable:

vdd a écrit:

Botany tu m'éclates. On aura tout eu dans tes avatars. D'un Stich minuscule à un Ramesh Krishnan des grands jours en passant par un Champion en tenue de coach. Enorme.

Pas faux :mdr:
Sinon j'étais passé à coté de ce topic et bravo à Colin pour son texte et notamment son récit de la finale de Roland 84

botany a écrit:

Quelle prise de revers quand même. :pt1cable:

Oui c'est un truc de fou. J'adorais pour ma part.

Mon cher colin, je comprends que tu puisses hair lendl, ton pire ennemi, enfin pendant longtemps tu le haissais, plus maintenant d'apres tes dires...

Regarde ce point... :

http://fr.youtube.com/watch?v=0JYHBFkDAbs


:mdr: :roule: :roule: :roule:

Quel affront a t il pu fair à ton chouchou mcenroe

Une autre facette de Lendl apparaît à travers ce service-gag, loin de l'image d'austérité qui lui a collé à la peau! Un Lendl mi-provocateur mi-facétieux, vous avez bien regardé la tronche que tire Mac?

Enorme ce point :mdr:

AGASSI 91 a écrit:

Enorme ce point :mdr:

Enorme, en effet!

Quelle ironie du sort quand on pense à ce que Chang a fait à Lendl quelques années plus tard! :biggrin:

Sinon, je me demande si à l'origine Mac n'était pas en train de se foutre de la gueule de Lendl, de l'imiter dans sa façon de retourner 4m derrière sa ligne de fond (Lendl est bien connu pour ça). Simple hypothèse quand on connaît la position avancée habituelle de Mac au retour; mais je n'ai pas vu de patch de cete époque entre eux, quand Lendl le dominait allègrement (81-82).

Tel est pris qui croyait prendre en tout cas... :mdr: