La moquette au placard
À partir de l’an prochain, les tournois masculins en salle ne pourront plus
se dérouler sur tapis synthétique. La décision ne plaît pas à tout le monde(surtout à vdd ).C’EST FINI. Couronné à Lyon
dimanche, Robin Söderling restera
peut-être comme le dernier vainqueur
d’un tournoi ATP sur
moquette. À partir de l’an prochain,
sur décision de l’ATP, le circuit des
tournois masculins en salle sera uniformisé
et tous les courts devront
être revêtus en « dur » (comme c’est
déjà le cas aux Masters Series de
Madrid et de Paris-Bercy). Finies, les
surfaces souples. Roulée, la
moquette. Place au dur et à l’abrasif.
À Lyon, la semaine dernière, cette
perspective ne faisait pas l’unanimité.
Jo-Wilfried Tsonga, un des grands
attaquants actuels, protestait même
haut et fort : « C’est dommage que
ces surfaces très rapides disparaissent.
On va arriver à un tennis où le
plus important est d’avoir quatre
poumons, extrêmement axé sur le
physique, et on sait vers quels travers
ça peut entraîner le sport. On a
entendu dire que c’était un peu à la
demande de Federer et de Nadal.
Mais si, un jour, Nadal demande à ce
que le circuit soit à 100 % sur terre
battue, on fait quoi ? (rire). »
Trop lent, le dur ? Traiter de ce sujet
avec un semblant de pertinence
n’est pas aisé, surtout si on ajoute
que les organisateurs du Masters
Series de Paris ont, eux, en deux ans,
opéré deux changements. Ils sont
passés en 2007, sous la pression des
meilleurs joueurs, d’un tapis souple
du type moquette à de la résine sur
bois (revêtement dur) qui, jugée trop
lente, a été « accélérée » cette
année en diminuant la rugosité de
l’enduit. Alors, trop lent ou trop
rapide ?
La controverse ne date pas d’hier. À
l’aube du tennis professionnel, les
tournois en salle étaient disputés
pour la plupart sur parquet. Puis
apparurent les moquettes caoutchoutées
minces, du type du
Supreme Court qui fit les beaux jours
de John McEnroe. Sur ces surfaces,
les serveurs-volleyeurs étaient rois.
Mais, la taille des joueurs augmentant,
les raquettes gagnant en raideur,
la patrouille des aces abattit
ses concurrents au vol. Comme sur
gazon, avec les Becker, Ivanisevic et
autres Sampras, le jeu en salle vira à
la caricature du tir à la cible. Au point
que, lors de la finale 1993 du Tournoi
de Paris remportée par Goran Ivanisevic
sur Andreï Medvedev, chacun
des aces des deux hommes fut sifflé
par le très frondeur public parisien.
La controverse
de Shanghai
Arrivèrent alors les tapis de la deuxième
génération, plus souples et
plus lents. Tout se passa bien jusqu’à
l’abord duXXIe siècle. Mais, en 2005,
lors du retour du Masters à Shanghai,
ce type de revêtement fut soudain
vilipendé par la plupart des
joueurs. Nadal y trouvait le rebond
trop bas, Nalbandian le trouvait trop
lent et Federer trop dangereux. Au
point que la présence de ce terrain à
Bercy fut l’un des facteurs invoqués
lors de la grande vague des forfaits
de 2006.
Du côté de l’ATP, le directeur de la
communication Kris Dent argue que
la décision de ne garder qu’un type
de surface en 2009 a été prise après
la consultation des 50 premiers mondiaux
: « Le changement a été décidé
pour différentes raisons, mais la plus
importante est qu’adopter des surfaces
homogènes devrait permettre
de réduire les risques de blessures. »
Organisateur du Tournoi de Lyon et
ancien grand serveur lui-même,
Gilles Moretton n’est pas franchement
d’accord : « Je le regrette,
parce que c’était une des dernières
surfaces souples et qu’elles sont
moins traumatisantes pour les organismes
des joueurs. On est en train
de les casser. » Alors, trop mou ou
trop dur ?
Expert du service-volée, tiré au filet
comme un lapin hier par Juan Martin
Del Potro, Mario Ancic préférait, lui,
déplacer le problème sur un autre
terrain que celui du physique ou de la
santé : « Je suis opposé à l’uniformisation
des surfaces, à cause de la
qualité du jeu. Si on veut que les
joueurs développent tous les coups
du tennis, il faut aussi qu’ils jouent
sur surface rapide. Sinon on va
s’ennuyer. » Trop uniforme, peutêtre
? Devant pareille variété d’opinions,
une seule certitude s’impose :
d’ici quelques années, la question de
la moquette reviendra sur le tapis.
– Ph. B. (avec J. Re.)